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celle dont nous venons de donner une idée. La nature répare tout. Elle nous a donné une vivacité capable d’offenser, & propre à nous faire manquer à tous les égards ; cette même vivacité est corrigée par la politesse qu’elle nous procure, en nous inspirant du goût pour le monde, & sur-tout pour le commerce des femmes.

Qu’on nous laisse tels que nous sommes. Nos qualités indiscretes, jointes à notre peu de malice, font que les loix qui gêneroient l’humeur sociable parmi nous ne seroient point convenables.


CHAPITRE VII.

Des Athéniens & des Lacédémoniens.


LES Athéniens, continuoit ce gentilhomme, étoient un peuple qui avoit quelque rapport avec le nôtre. Il mettoit de la gaieté dans les affaires ; un trait de raillerie lui plaisoit sur la tribune, comme sur le théâtre. Cette vivacité qu’il mettoit dans les conseils, il la portoit dans l’exécution. Le caractere des Lacédémoniens étoit grave, sérieux, sec, taciturne. On n’auroit pas plus tiré parti d’un Athénien en l’ennuyant, que d’un Lacédémonien en le divertissant.


CHAPITRE VIII.

Effets de l’humeur sociable.


PLUS les peuples se communiquent, plus ils changent aisément de manieres, parce que chacun est plus un spectacle pour un autre ; on voit mieux les singularités des individus. Le climat qui fait qu’une nation aime à se communiquer fait aussi qu’elle aime à changer ; & ce qui fait qu’une nation aime à changer fait aussi qu’elle se forme le goût.