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noit une espece d’opposition avec le faste des rois d’alors : &, quand ils ne vouloient point de roi, cela signifioit qu’ils vouloient garder leurs manieres, & ne pas prendre celles des peuples d’Afrique & d’Orient.

Dion[1] nous dit que le peuple Romain étoit indigné contre Auguste, à cause de certaines loix trop dures qu’il avoit faites : mais que, sitôt qu’il eut fait revenir le comédien Pylade, que les factions avoient chassé de la ville, le mécontentement cessa. Un peuple pareil sentoit plus vivement la tyrannie lorsqu’on chassoit un baladin, que lorsqu’on lui ôtoit toutes ses loix.


CHAPITRE IV.

Ce que c’est que l’esprit général.


PLUSIEURS choses gouvernent les hommes, le climat, la religion, les loix, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manieres ; d’où il se forme un esprit général qui en résulte.

A mesure que, dans chaque nation, une de ces causes agit avec plus de force, les autres lui cedent d’autant. La nature & le climat dominent presque seuls sur les sauvages ; les manieres gouvernent les Chinois ; les loix tyrannisent le Japon ; les mœurs donnoient autrefois le ton dans Lacédémone ; les maximes du gouvernement & les mœurs anciennes le donnoient dans Rome.

  1. Liv. LIV, pag. 532.