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jugeant qu’il étoit arrivé chez un peuple Grec, & non pas chez un peuple barbare.

Soyez seul, & arrivez par quelque accident chez un peuple inconnu ; si vous voyez une piece de monnoie, comptez que vous êtes arrivé chez une nation policée.

La culture des terres demande l’usage de la monnoie. Cette culture suppose beaucoup d’arts & de connoissances ; & l’on voit toujours marcher d’un pas égal les arts, les connoissances & les besoins. Tout cela conduit à l’établissement d’un signe de valeurs.

Les torrens & les incendies nous ont fait découvrir que les terres contenoient des métaux[1]. Quand ils en ont été une fois séparés, il a été aisé de les employer.


CHAPITRE XVI.

Des loix civiles, chez les peuples qui ne connoissent point l’usage de la monnoie.


QUAND un peuple n’a pas l’usage de la monnoie, on ne connoît gueres, chez lui, que les injustices qui viennent de la violence ; & les gens foibles, en s’unissant, se défendent contre la violence. Il n’y a gueres là que des arrangemens politiques. Mais, chez un peuple où la monnoie est établie, on est sujet aux injustices qui viennent de la ruse ; & ces injustices peuvent être exercées de mille façons. On y est donc forcé d’avoir de bonnes loix civiles ; elles naissent avec les nouveaux moyens & les diverses manieres d’être méchant.

Dans les pays où il n’y a point de monnoie, le ravisseur n’enleve que des choses ; & les choses ne se ressemblent jamais. Dans les pays où il y a de la monnoie, le ravisseur enleve des signes ; & les signes se

  1. C’est ainsi que Diodore nous dit que des bergers trouverent l’or des Pyrenées.