C’est ce qui a fait que le génie de la nation Tartare ou Gétique a toujours été semblable : celui des empires de l’Asie. Les peuples, dans ceux-ci, sont gouvernés par le bâton ; les peuples Tartares, par les longs fouets. L’esprit de l’Europe a toujours été contraire à ces mœurs : &, dans tous les temps, ce que les peuples d’Asie ont appellé punition, les peuples d’Europe l’ont appellé outrage[1].
Les Tartares, détruisant l’empire Grec, établirent dans les pays conquis la servitude & le despotisme : les Goths, conquérant l’empire Romain, fonderent par-tout la monarchie & la liberté.
Je ne sçais si le fameux Rudbeck, qui, dans son Atlantique, a tant loué la Scandinavie, a parlé de cette grande prérogative qui doit mettre les nations qui l’habitent au-dessus de tous les peuples du monde ; c’est qu’elles ont été la source de la liberté de l’Europe, c’est-à-dire, de presque toute celle qui est aujourd’hui parmi les hommes.
Le Goth Jornandez a appellé le nord de l’Europe la fabrique du genre humain[2] : je l’appellerai plutôt la fabrique des instrumens qui brisent les fers forgés au midi. C’est là que se forment ces nations vaillantes, qui sortent de leur pays pour détruire les tyrans & les esclaves ; & apprendre aux hommes que, la nature les ayant faits égaux, la raison n’a pu les rendre dépendans que pour leur bonheur.