CHAPITRE V.
Que, quand les peuple du nord de l’Asie, & ceux du nord de l’Europe ont conquis, les effets de la conquête n’étoient pas les mêmes.
LES peuples du nord de l’Europe l’ont conquise en hommes libres ; les peuples du nord de l’Asie l’ont conquise en esclaves, & n’ont vaincu que pour un maître.
La raison en est que le peuple Tartare, conquérant naturel de l’Asie, est devenu esclave lui-même. Il conquiert sans cesse dans le midi de l’Asie ; il forme des empires ; mais la partie de la nation qui reste dans le pays se trouve soumise à un grand maître, qui, despotique dans le midi, veut encore l’être dans le nord ; &, avec un pouvoir arbitraire sur les sujets conquis, le prétend encore sur les sujets conquérans. Cela se voit bien aujourd’hui dans ce vaste pays qu’on appelle la Tartarie Chinoise, que l’empereur gouverne presque aussi despotiquement que la Chine même, & qu’il étend tous les jours par ses conquêtes.
On peut voir encore, dans l’histoire de la Chine, que les empereurs[1] ont envoyé des colonies Chinoises dans la Tartarie. Ces Chinois sont devenus Tartares & mortels ennemis de la Chine : mais cela n’empêche pas qu’ils n’aient porté dans la Tartarie l’esprit du gouvernement Chinois.
Souvent une partie de la nation Tartare qui a conquis, est chassée elle-même ; & elle rapporte dans ses déserts un esprit de servitude qu’elle a acquis dans le climat de l’esclavage. L’histoire de la Chine nous en fournit de grands exemples, & notre histoire ancienne aussi[2].