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peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, & que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C’est un effet qui dérive de sa cause naturelle.

Ceci s’est encore trouvé vrai dans l’Amérique ; les empires despotiques du Mexique & du Pérou étoient vers la ligne, & presque tous les petits peuples libres étoient & sont encore vers les poles.


CHAPITRE III.

Du climat de l’Asie.


LES relations nous disent[1] "que le nord de l’Asie, ce vaste continent qui va du quarantieme degré ou environ jusques au pole, & des frontieres de Moscovie jusqu’à la mer orientale, est dans un climat très-froid : que ce terrein immense est divisé, de l’ouest à l’est, par une chaîne de montagnes, qui laissent au nord la Sibérie, & au midi la grande Tartarie : que le climat de la Sibérie est si froid, qu’à la réserve de quelques endroits, elle ne peut être cultivée ; & que, quoique les Russes aient des établissemens tout le long de l’Irtis, ils n’y cultivent rien ; qu’il ne vient, dans ce pays, que quelques petits sapins & arbrisseaux ; que les naturels du pays sont divisés en de misérables peuplades, qui sont comme celles du Canada : que la raison de cette froidure vient, d’un côté, de la hauteur du terrein ; & de l’autre, de ce qu’à mesure que l’on va du midi au nord, les montagnes s’applanissent ; de sorte que le vent du nord souffle par-tout sans trouver d’obstacles : que ce vent qui rend la nouvelle Zemble inhabitable, soufflant dans la Sibérie, la rend inculte. Qu’en Europe,


  1. Voyez les voyages du nord, tome VIII ; l’histoire des Tattars, & le quatrieme volume de la Chine du pere du Halde.