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le donner aux femmes. Un mari est le maître de la maison ; il a mille moyens de tenir, ou de remettre les femmes dans le devoir : & il semble que, dans ses mains, la répudiation ne soit qu’un nouvel abus de sa puissance. Mais une femme qui répudie n’exerce qu’un triste remede. C’est toujours un grand malheur pour elle d’être contrainte d’aller chercher un second mari, lorsqu’elle a perdu la plupart de ses agrémens chez un autre. C’est un des avantages des charmes de la jeunesse dans les femmes, que, dans un âge avancé, un mari se porte à la bienveillance par le souvenir de ses plaisirs.

C’est donc une regle générale, que, dans tous les pays où la loi accorde aux hommes la faculté de répudier, elle doit aussi l’accorder aux femmes. Il y a plus : dans les climats où les femmes vivent sous un esclavage domestique, il semble que la loi doive permettre aux femmes la répudiation, & aux maris seulement le divorce.

Lorsque les femmes sont dans un serrail, le mari ne peut répudier pour cause d’incompatibilité de mœurs : c’est la faute du mari, si les mœurs sont incompatibles.

La répudiation pour raison de la stérilité de la femme ne sçauroit avoir lieu que dans le cas d’une femme unique[1] : lorsque l’on a plusieurs femmes, cette raison n’est, pour le mari, d’aucune importance.

La loi des Maldives[2] permet de reprendre une femme qu’on a répudiée. La loi du Mexique[3] défend de se réunir, sous peine de vie. La loi du Mexique étoit plus sensée que celle des Maldives ; dans le temps même de la dissolution, elle songeoit à l’éternité du mariage : au lieu que la loi des Maldives semble se jouer également du mariage & de la répudiation.

La loi du Mexique n’accordoit que le divorce. C’étoit


  1. Cela ne signifie pas que la répudiation pour raison de la stérilité soit permise dans le christianisme.
  2. Voyage de Fr. Pyrard. On la reprend plutôt qu’une autre ; parce que, dans ce cas, il faut moins de depenses.
  3. Histoire de la conquête, par Solis, pag. 499.