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Charles de Secondat, Baron de la Brede et de Montesquieu, ancien président à mortier au parlement de Bordeaux, de l’académie Fançoise, de l’académie royale des sciences & des belles-lettres de Prusse, & de la société royale de Londres, naquit au château de la Brede, près de Bordeaux, le 18 janvier 1689, d’une famille noble de Guyenne. Son trisaïeul, jean de Secondat, maître d’hôtel de Henri II, roi de Navarre, & ensuite de Jeanne, fille de ce roi, qui épousa Antoine de Bourbon, acquit la terre de Montesquieu, d’une somme de 10000 livres, que cette princesse lui donna par un acte authentique, en récompense de sa probité & de ses services. Henri III, roi de Navarre, depuis Henri IV, roi de France, érigea en baronnie la terre de Montesquieu, en faveur de Jacob de Secondat, fils de Jean, d’abord gentilhomme ordinaire de la chambre de ce prince, & ensuite mestre de camp du régiment de Châtillon. Jean Gaston de Secondat, son second fils, ayant épousé la fille du premier président du parlement de Bordeaux, acquit dans cette compagnie une charge de président à mortier. Il eut plusieurs enfans, dont un entra dans le service, s’y distingua, & le quitta de fort bonne heure : ce fut le pere de Charles de Secondat, auteur de l’Esprit des loix. Ces détails paroîtront peut-être déplacés à la tête de l’éloge d’un philosophe, dont le nom a si peu besoin d’ancêtres : mais n’envions point à leur mémoire l’éclat que ce nom répand sur elle.

Les succès de l’enfance, présage quelquefois si trompeur, ne le furent point dans Charles de Secondat : il annonça de bonne heure ce qu’il devoît être ; & son pere donna tous ses soins à cultiver ce génie naissant, objet de son espérance & de sa tendresse. Dès l’âge de vingt ans, le jeune Montesquieu préparoit déja les matériaux de l’Esprit des loix, par un extrait raisonné des immenses volumes qui composent le corps du droit