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homme, ce seroit un cas bien particulier de la polygamie.

Dans tout ceci, je ne justifie pas les usages ; mais j’en rends les raisons.


CHAPITRE V.

Raison d’une loi du Malabar.


SUR la côte du Malabar, dans la caste des Naïres[1] ; les hommes ne peuvent avoir qu’une femme, & une femme au contraire peut avoir plusieurs maris. Je crois qu’on peut découvrir l’origine de cette coutume. Les Naïres sont la caste des nobles, qui sont les soldats de toutes ces nations. En Europe, on empêche les soldats de se marier : dans le Malabar, où le climat exige davantage, on s’est contenté de leur rendre le mariage aussi peu embarrassant qu’il est possible : on a donné une femme à plusieurs hommes ; ce qui diminue d’autant l’attachement pour une famille & les soins du ménage, & laisse à ces gens l’esprit militaire.


CHAPITRE VI.

De la polygamie en elle-même.


ÀREGARDER la polygamie en général, indépendamment des circonstances qui peuvent la faire un peu tolérer, elle n’est point utile au genre humain, ni à

  1. Voyage de François Pyrard, chap. XXVII. Lettres édifiantes, troisieme & dixieme recueils, sur le Malleami dans la côte du Malabar. Cela est regardé comme un abus de la profession militaire : &, comme dit Pyrard, une femme de la caste des Bramines n’épouseroit jamais plusieurs maris.