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vient le malheur de devenir un législateur terrible. C’est parce que les esclaves ne purent avoir, chez les Romains, de confiance dans la loi, que la loi ne put avoir de confiance en eux.


CHAPITRE XVII.

Réglemens à faire entre les maîtres & les esclaves.


LE magistrat doit veiller à ce que l’esclave ait sa nourriture & son vêtement : cela doit être réglé par la loi.

Les loix doivent avoir attention qu’ils soient soignés dans leurs maladies & dans leur vieillesse. Claude[1] ordonna que les esclaves qui auroient été abandonnés par leurs maîtres étant malades, seroient libres s’ils échappoient. Cette loi assuroit leur liberté ; il auroit encore fallu assurer leur vie.

Quand la loi permet au maitre d’ôter la vie à son esclave, c’est un droit qu’il doit exercer comme juge, & non pas comme maître : il faut que la loi ordonne des formalités qui ôtent le soupçon d’une action violente.

Lorsqu’à Rome il ne fut plus permis aux peres de faire mourir leurs enfans, les magistrats infligerent[2] la peine que le pere vouloit prescrire. Un usage pareil entre le maître & les esclaves seroit raisonnable dans les pays où les maîtres ont droit de vie & de mort.

La loi de Moïse étoit bien rude. "Si quelqu’un frappe son esclave, & qu’il meure sous sa main, il sera puni : mais, s’il survit un jour ou deux, il ne le sera pas, parce que c’est son argent." Quel peuple, que celui où il falloit que la loi civile se relâchât de la loi naturelle !


  1. Xiphilin, in Claudio.
  2. Voyez la loi III, au code de patrid potestate, qui est de l’empereur Alexandre.