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loi[1] qui ôta aux créanciers le droit de tenir les débiteurs en servitude dans leurs maisons[2]. Un usurier nommé Papirius, avoit voulu corrompre la pudicité d’un jeune homme nommé Publius, qu’il tenoit dans les fers. Le crime de Sextus donna à Rome la liberté politique ; celui de Papirius y donna la liberté civile.

Ce fut le destin de cette ville, que des crimes nouveaux y confirmerent la liberté que des crimes anciens lui avoient procurée. L’attentat d’Appius sur Virgnie remit le peuple dans cette horreur contre les tyrans, que lui avoit donné le malheur de Lucrece. Trente-sept ans[3] après le crime de l’infame Papirius, un crime pareil,[4] fit que le peuple se retira sur le Janicule[5], & que la loi faite pour la sûreté des débiteurs reprit une nouvelle force.

Depuis ce temps, les créanciers furent plutôt poursuivis par les débiteurs pour avoir violé les loix faites contre les usures, que ceux-ci ne le furent pour ne les avoir pas payées.


  1. Cent vingt ans après la loi des douze-tables. Eo anno plebi Romanæ, velut aliud initium libertatis, factum est quòd necti desierunt. Tite Live, livre VIII.
  2. Bona debitoris, non corpus obnoxium esset. Ibid.
  3. L’an de Rome 465.
  4. Celui de Plautius, qui attenta contre la pudicité de Véturius. Valere Maxime, liv. VI, art. IX. On ne doit point confondre ces deux événemens ; ce ne sont, ni les mêmes personnes, ni les mêmes temps.
  5. Voyez un fragment de Denys d’Halicarnasse, dans l’extrait des vertus & des vices ; l’épitome de Tite Live, liv. XI ; & Freinshemius, liv. XI.