Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sylla[1], qui leur apprit qu’il ne falloit point punir les calomniateurs. Bientôt on alla jusqu’à les récompenser[2].


CHAPITRE XVII.

De la révélation des conspirations.


QUAND ton frere, ou ton fils, ou ta fille, ou ta femme bien-aimée, ou ton ami qui est comme ton ame, te diront en secret, Allons à d’autres dieux ; tu les lapideras : d’abord ta main sera sur lui, ensuite celle de tout le peuple." Cette loi du deutéronome[3] ne peut être une loi civile chez la plupart des peuples que nous connoissons, parce qu’elle y ouvriroit la porte à tous les crimes.

La loi qui ordonne dans plusieurs états, sous peine de la vie, de révéler les conspirations auxquelles même on n’a pas trempé, n’est gueres moins dure. Lorsqu’on la porte dans le gouvernement monarchique, il est très-convenable de la restreindre.

Elle n’y doit être appliquée, dans toute sa sévérité, qu’au crime de lese-majesté au premier chef. Dans ces états, il est très-important de ne point confondre les différens chefs de ce crime.

Au Japon, où les loix renversent toutes les idées de


  1. Sylla fit une loi de majesté, dont il est parlé dans les oraisons de Cicéron, pro Cluentio, art. 3 ; in Pisonem, art. 21 ; deuxieme contre Verrès, art. 5 ; épitres familieres, l. III, lett. II. César & Auguste les insérerent dans les loix Julies ; d’autres y ajouterent.
  2. Et quò quis distinctior accusator, eò magis honores assequebatur1, acveluti sacrosanctus erat. Tacite.
  3. Chap. XIII, vers. 6, 7, 8 & 9.