la nuit, s’il n’y eût pensé le jour. C’étoit une grande tyrannie : car, quand même il y auroit pensé, il n’avoit pas attenté[1]. Les loix ne se chargent de punir que les actions extérieures.
CHAPITRE XII.
Des paroles indiscrettes.
RIEN ne rend encore le crime de lese-majesté plus arbitraire, que quand des paroles indiscrettes en deviennent la matiere. Les discours sont si sujets à interprétation, il y a tant de différence entre l’indiscrétion & la malice, & il y en a si peu dans les expressions qu’elles emploient, que la loi ne peut gueres soumettre les paroles à une peine capitale, à moins qu’elle ne déclare expressément celles qu’elle y soumet[2].
Les paroles ne forment point un corps de délit ; elles ne restent que dans l’idée. La plupart du temps, elles ne signifient point par elles-mêmes, mais par le ton dont on les dit. Souvent, en redisant les mêmes paroles, on ne rend pas le même sens : ce sens dépend de la liaison qu’elles ont avec d’autres choses. Quelquefois le silence exprime plus que tous les discours. Il n’y a rien de si équivoque que tout cela. Comment donc en faire un crime de lese-majesté ? Par-tout où cette loi est établie, non-seulement la liberté n’est plus, mais son ombre même.
Dans le manifeste de la feue czarine, donné contre la famille d’Olgourouki[3], un de ces princes est con-