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une gazette de la cour, c’étoit manquer de respect à la cour ; & on les fit mourir[1]. Un prince du sang ayant mis quelque note, par mégarde, sur un mémorial signé du pinceau rouge par l’empereur, on décida qu’il avoit manqué de respect à l’empereur ; ce qui causa, contre cette famille, une des terribles persécutions dont l’histoire ait jamais parlé[2].

C’est assez que le crime de lese-majesté soit vague, pour que le gouvernement dégénere en despotisme. Je m’étendrai davantage là-dessus dans le livre de la composition des loix.


CHAPITRE VIII.

De la mauvaise application du nom de crime de sacrilege & de lese-majesté.


C’est encore un violent abus, de donner le nom de crime de lese-majesté à une action qui ne l’est pas. Une loi des empereurs[3] poursuivoit comme sacrileges ceux qui mettoient en question le jugement du prince, & doutoient du mérite de ceux qu’il avoit choisis pour quelque emploi[4]. Ce furent bien le cabinet & les favoris qui établirent ce crime. Une autre loi avoit declaré que ceux qui attentent contre les ministres & les officiers du prince sont criminels de lese-majesté, comme s’ils attentoient contre le prince même[5].


  1. Le pere du Halde, tome premier, pag. 43.
  2. Lettres du pere Parennin, dans les lettres édifiantes.
  3. Gratien, Valentinien & Théodose. C’est la troisieme au code de crimin. sacril.
  4. Sacrilegii instar est dubitare an is dignus sit quem elegerit imperator, ibid. Cette loi a servi de modele à celle de Roger, dans les constitutions de Naples, tit. 4.
  5. La loi cinquieme, au code, ad leg. Jul. maj.