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le chef-d’œuvre de la législation est de sçavoir bien placer la puissance de juger. Mais elle ne le pouvoit être plus mal que dans les mains de celui qui avoit déja la puissance exécutrice. Dès ce moment, le monarque devenoit terrible. Mais en ce même-temps, comme il n’avoit pas la législation, il ne pouvoit pas se défendre contre la législation ; il avoit trop de pouvoir, & il n’en avoit pas assez.

On n’avoit pas encore découvert que la vraie fonction du prince étoit d’établir des juges, & non pas de juger lui-même. La politique contraire rendit le gouvernement d’un seul insupportable. Tous ces rois furent chassés. Les Grecs n’imaginerent point la vraie distribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d’un seul ; ils ne l’imaginerent que dans le gouvernement de plusieurs, & ils appellerent cette sorte de constitution, police[1].


CHAPITRE XII.

Du gouvernement des rois de Rome, & comment les trois pouvoirs y furent distribués.


LE gouvernement des rois de Rome avoit quelque rapport à celui des rois des temps héroïques chez les Grecs. Il tomba, comme les autres, par son vice général ; quoiqu’en lui-même, & dans sa nature particuliere, il fût très-bon.

Pour faire connoître, ce gouvernement, je distinguerai celui des cinq premiers rois, celui de Servius Tullius, & celui de Tarquin.

La couronne étoit élective : &, sous les cinq premiers rois, le sénat eut la plus grande part à l’élection.

Après la mort du roi, le sénat examinoit si l’on gar-

deroit
  1. Voyez Aristote, polit. liv. IV, chap. VIII.