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& de perpétuer, dans le cœur des citoyens, l’amour de la république, c’est-à-dire, l’amour de l’égalité ; en sorte que les magistratures n’y soient pas regardées comme un objet d’ambition, mais comme une occasion de signaler son attachement pour la patrie, & de se livrer tout entier au maintien de la liberté des citoyens & de l’égalité entre eux.

Pour le mouvement & le maintien d’un état monarchique, il faut que le cœur des sujets soit animé par l’honneur ; c’est-à-dire, par l’ambition & par l’amour de l’estime : ces deux passions sont nécessaires, mais elles se temperent mutuellement. Le monarque est le seul dispensateur des distinctions & des récompenses : il faut donc que l’ambition de les obtenir inspire le desir de le servir utilement pour l’état, & de le signaler assez pour qu’il apperçoive ces services, & les récompense. Si les graces & les récompenses dépendoient d’un autre pouvoir que de celui du monarque, son autorité seroit nulle ; il n’auroit aucun ressort dans la main, pour faire agir les différentes parties de l’état, soit pour les affaires du dehors, soit pour celles du dedans. Si les graces & les récompenses n’étoient pas le fruit du mérite ; si elles étoient subordonnées à l’arbitraire, & jettées au hasard, il seroit inutile de chercher à les mériter, & chacun resteroit dans l’inertie ; on ne seroit pas réveillé par la vertu, c’est-à-dire, par l’amour de la patrie ; parce que, dans les monarchies, on