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est le droit de faire tout ce que les loix permettent : &, si un citoyen pouvoit faire ce qu’elles défendent, ils n’auroient plus de liberté, parce que les autres auroient, tout de même ce pouvoir.


CHAPITRE IV.

Continuation du même sujet.


LA démocratie & l’aristocratie ne sont point des états libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernemens modérés. Mais elle n’est pas toujours dans les états modérés. Elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir : mais c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le diroit ! la vertu même a besoin de limites.

Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une constitution peut être telle, que personne ne sera contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l’oblige pas, & à ne point faire celles que la loi lui permet.


CHAPITRE V.

De l’objet des états divers.


QUOIQUE tous les états aient, en général, un même objet, qui est de se maintenir, chaque état en a pourtant un qui lui est particulier. L’agrandissement étoit l’objet de Rome ; la guerre, celui de Lacédémone ; la religion, celui des loix Judaïques ; le commerce, celui de Marseille ; la tranquillité publique, celui des loix de la