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& non pas la perte de ses plaisirs ; qui n’aime rien tant que sa gaieté, & se console de la perte d’une bataille lorsqu’elle a chanté le général, n’auroit jamais été, jusqu’au bout d’une entreprise qui ne peut manquer dans un pays sans manquer dans tous les autres, ni manquer un moment sans manquer pour toujours.


CHAPITRE VIII.

Cas où la force defensive d’un état est inférieure à sa force offensive.


C’ÉTOIT le mot du sire de Coucy au roi Charles V, que les Anglois ne sont jamais si foibles, ni si aisés à vaincre que chez eux. « C’est ce qu’on disoit des Romains ; c’est ce qu’éprouverent les Carthaginois ; c’est ce qui arrivera à toute puissance qui a envoyé au loin, des armées, pour réunir, par la force de la discipline & du pouvoir militaire, ceux qui sont divisés chez eux par les intérêts politiques ou civils. L’état se trouve foible, à cause du mal qui reste toujours ; & il a été encore affoibli par le remede.

La maxime du sire de Coucy est une exception à la regle générale, qui veut qu’on n’entreprenne point de guerres lointaines. Et cette exception confirme bien la regle, puisqu’elle n’a lieu que contre ceux qui ont eux-mêmes violé la regle.


CHAPITRE IX.

De la force relative des etats.


TOUTE grandeur, toute force, toute puissance est relative. Il faut bien prendre garde qu’en cherchant à augmenter la grandeur réelle, on ne diminue la grandeur relative.