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cile que tout autre gouvernement que le républicain puisse subsister dans une seule ville. Un prince d’un si petit état chercheroit naturellement à opprimer ; parce qu’il auroit une grande puissance, & peu de moyens pour en jouir, ou pour la faire respecter : il fouleroit donc beaucoup ses peuples. D’un autre côté, un tel prince seroit aisément opprimé par une force étrangere, ou même par une force domestique : le peuple pourroit, à tous les instans, s’assembler & se réunir contre lui. Or, quand un prince d’une ville est chassé de sa ville, le procès est fini : s’il a plusieurs villes, le procès n’est que commencé.


CHAPITRE XVII.

Propriétés distinctives de la monarchie.


UN état monarchique doit être d’une grandeur médiocre. S’il étoit petit, il se formeroit en république ; s’il étoit fort étendu, les principaux de l’état, grands par eux-mêmes, n’étant point sous les yeux du prince, ayant leur cour hors de sa cour, assurés d’ailleurs contre les exécutions promptes par les loix & par les mœurs, pourroient cesser d’obéir ; ils ne caindroient pas une punition trop lente & trop éloignée.

Aussi Charlemagne eut-il à peine fondé son empire, qu’il fallut le diviser ; soit que les gouverneurs des provinces n’obéissent pas ; soit que, pour les faire mieux obéir, il fût nécessaire de partager l’empire en plusieurs royaumes.

Après la mort d’Alexandre, son empire, fut partagé. Comment ces grands de Grece & de Macédoine, libres, ou du moins chefs des conquérans répandus dans cette vaste conquête, auroient-ils pu obéir ?

Après la mort d’Attila, son empire fut dissous : tant de rois, qui n’étoient plus contenus, ne pouvoient point reprendre des chaînes.