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boient, pour ainsi dire, les unes sur les autres : il n’y avoit de vie que dans cette noblesse qui s’indigna, oublia tout pour combattre, & crut qu’il étoit de sa gloire de périr & de pardonner.


CHAPITRE X.

De la corruption du principe du gouvernement despotique.


LE principe du gouvernement despotique se corrompt sans cesse, parce qu’il est corrompu par sa nature. Les autres gouvememens périssent, parce que des accidens particuliers en violent le principe : celui-ci périt par son vice intérieur, lorsque quelques causes accidentelles n’empêchent point son principe de se corrompre. Il ne se maintient donc que quand des circonstances tirées du climat, de la religion, de la situation, ou du génie du peuple, le forcent à suivre quelque ordre, & à souffrir quelque regle. Ces choses forcent sa nature sans la changer : sa férocité reste ; elle est, pour quelque temps, apprivoisée.


CHAPITRE XI.

Effets naturels de la bonté & de la corruption des principes.


LORSQUE les principes du gouvernement sont une fois corrompus, les meilleures loix deviennent mauvaises, & le tournent contre l’état : lorsque les principes en sont sains, les mauvaises ont l’effet des bonnes ; la force du principe entraîne tout.

Les Crétois, pour tenir les premiers magistrats dans la dépendance des loix, employoient un moyen bien singulier : c’étoit celui de l'insurrection. Une partie des