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CHAPITRE VIII.

Danger de la corruption du principe du gouvernement monarchique.


L’INCONVÉNIENT n’est pas lorsque l’état passe d’un gouvernement modéré à un gouvernement modéré ; comme de la république à la monarchie, ou de la monarchie à la république : mais quand il tombe & se précipite, du gouvernement modéré, au despotisme.

La plupart des peuples d’Europe sont encore gouvernés par les mœurs. Mais si, par un long abus du pouvoir ; si, par une grande conquête, le despotisme s’établissoit à un certain point, il n’y auroit pas de mœurs ni de climat qui tinssent ; &, dans cette belle partie du monde, la nature humaine souffriroit, au moins pour un temps, les insultes qu’on lui fait dans les trois autres.


CHAPITRE IX.

Combien la noblesse est portée à défendre le trône.


LA noblesse Angloise s’ensevelit, avec Charles I, sous les débris du trône ; & avant cela, lorsque Philippe II fit entendre aux oreilles des François le mot de liberté, la couronne fut toujours soutenue par cette noblesse qui tient à honneur d’obéir à un roi, mais qui regarde comme la souveraine infamie de partager la puissance avec le peuple.

On a vu la maison d’Autriche travailler, sans relâche, à opprimer la noblesse Hongroise. Elle ignoroit de quel prix elle lui seroit quelque jour. Elle cherchoit, chez ces peuples, de l’argent qui n’y étoit pas : elle ne voyoit pas des hommes qui y étoient. Lorsque tant de princes partageaient entre eux ses états, toutes les pieces de sa monarchie, immobiles & sans action, tom-