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où presque toujours les femmes sont elles-mêmes une partie de la propriété du maître.

Comme les femmes, par leur état, sont assez portées au mariage, les gains que la loi leur donne sur les biens de leur mari sont inutiles. Mais ils seroient très-pernicieux dans une république, parce que leurs richesses particulieres produisent le luxe. Dans les états despotiques, les gains des noces doivent être leur subsistance, & rien de plus.


CHAPITRE XVI.

Belle coutume des Samnites.


LES Samnites avoient une coutume qui, dans une petite république, & sur-tout dans la situation où étoit la leur, devoit produire d’admirables effets. On assembloit tous les jeunes gens, & on les jugeoit. Celui qui étoit déclaré le meilleur de tous prenoit, pour sa femme, la fille qu’il vouloit : celui qui avoit les suffrages après lui choisissoit encore ; & ainsi de suite[1]. Il étoit admirable de ne regarder entre les biens des garçons que les belles qualités, & les services rendus à la patrie. Celui qui étoit le plus riche de ces sortes de biens choisissoit une fille dans toute la nation. L’amour, la beauté, la chasteté, la vertu, la naissance, les richesses mêmes, tout cela étoit, pour ainsi dire, la dot de la vertu. Il seroit difficile d’imaginer une récompense plus noble, plus grande, moins à charge à un petit état, plus capable d’agir sur l’un & l’autre sexe.

Les Samnites descendoient des Lacédémoniens ; & Platon, dont les institutions ne sont que la perfection des loix de Lycurgue, donna à peu près une pareille loi[2].

  1. Fragm. de Nicolas de Damas, tiré de Stobée, dans le recueil de Const. Porphyr.
  2. Il leur permet même de se voir plus fréquemment.