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La peine de la loi Julie étoit légere[1]. Les empereurs voulurent que, dans les jugemens, on augmentât la peine de la loi qu’ils avoient faite. Cela fut le sujet des invectives des historiens. Ils n’examinoient pas si les femmes méritoient d’être punies, mais si l’on avoit violé la loi pour les punir.

Une des principales tyrannies de Tibere[2]} fut l’abus qu’il fit des anciennes loix. Quand il voulut punir quelque dame Romaine, au-delà de la peine portée par la loi Julie, il rétablit contre elle le tribunal domestique[3].

Ces dispositions à l’égard des femmes ne regardoient que les familles des sénateurs, & non pas celles du peuple. On vouloit des prétextes aux accusations contre les grands, & les déportemens des femmes en pouvoient fournir sans nombre.

Enfin ce que j’ai dit, que la bonté des mœurs n’est pas le principe du gouvernement d’un seul, ne se vérifia jamais mieux que sous ces premiers empereurs ; &, si l’on en doutoit, on n’auroit qu’à lire Tacite, Suétone, Juvenal, & Martial.


CHAPITRE XIV.

Loix somptuaires chez les Romains.


Nous avons parlé de l’incontinence publique ; parce qu’elle est jointe avec le luxe, qu’elle en est toujours

  1. Cette loi est rapportée au digeste ; mais on n’y a pas mis la peine. On juge qu’elle n’étoit que la relégation, puisque celle de l’inceste n’étoit que la deportation. Leg. si quis viduam, ff. de quest.
  2. Proprium id Tiberio fuit, scelera nuper reperta priscis verbis obtegere. Tacite.
  3. Adulterii graviorem pœnam deprecatus, ut, exemplo majorum, propinquis suis ultrà ducentesimum lapidem removeretur, suafit, Adultero Manlio Italia atque Africa interdictum est. Tacite, annal. livre II.