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ces deux choses tomberent avec les mœurs, & finirent avec la république[1].

L’établissement des questions perpétuelles, c’est-à-dire, du partage de la juridiction entre les préteurs, & la coutume qui s’introduisit de plus en plus que ces préteurs jugeassent eux-mêmes[2] toutes les affaires, affoiblirent l’usage du tribunal domestique : ce qui paroît par la surprise des historiens, qui regardent comme des faits singuliers & comme un renouvellement de la pratique ancienne, les jugemens que Tibere fit rendre par ce tribunal.

L’établissement de la monarchie & le changement des mœurs firent encore cesser l’accusation publique. On pouvoit craindre qu’un malhonête homme, piqué des mépris d’une femme, indigné de ses refus, outré de sa vertu même, ne formât le dessein de la perdre. La loi Julie ordonna qu’on ne pourroit accuser une femme d’adultere qu’après avoir accusé son mari de favoriser ses déréglemens ; ce qui restreignit beaucoup cette accusation, & l’anéantit, pour ainsi dire[3].

Sixte V sembla vouloir renouveller l’accusation publique[4]. Mais il ne faut qu’un peu de réflexion pour voir que cette loi, dans une monarchie telle que la sienne, étoit encore plus déplacée que dans toute autre.

  1. Judicio de moribus (quod antea quidem in antiquis legibus positum erat, non autem frequentabatur) penitus abolito. Leg. XI, §. 2 cod. de repub.
  2. Judicia extraordinaria.
  3. Constantin l’ôta entiérement. C’est une chose indigne, disoit-il, que des mariages tranquilles soient troublés par l’audace des étrangers.
  4. Sixte V ordonna qu’un mari qui n’iroit point se plaindre à lui des débauches de sa femme, seroit puni de mort. Voyez Leti.