Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XIV.

De l’esprit du sénat de Rome.


Sous le Consulat d’Acilius Glabrio & de Pison, on fit la loi Acilia[1] pour arrêter les brigues. Dion[2] dit que le sénat engagea les consuls à la proposer, parce que le tribun C. Cornélius avoit résolu de faire établir des peines terribles contre ce crime, à quoi le peuple étoit fort porté. Le sénat pensoit que des peines immodérées jetteroient bien la terreur dans les esprits ; mais qu’elles auroient cet effet, qu’on ne trouveroit plus personne pour accuser, ni pour condamner : au lieu qu’en proposant des peines modiques, on auroit des juges & des accusateurs.


CHAPITRE XV.

Des loix des Romains, à l’égard des peines.


Je me trouve fort dans mes maximes, lorsque j’ai pour moi les Romains ; & je crois que les peines tiennent à la nature du gouvernement, lorsque je vois ce grand peuple changer, à cet égard, de loix civiles, à mesure qu’il changeoit de loix politiques.

Les loix royales, faites pour un peuple composé de fugitifs, d’esclaves & de brigands, furent très-séveres. L’esprit de la république auroit demandé que les dé-

  1. Les coupables étoient condamnés à une amende ; ils ne pouvoient plus être admis dans l’ordre des sénateurs, & nommés à aucune magistrature. Dion, liv. XXXVI.
  2. Ibid.