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sentiment que la crainte, & où tout mene tout à coup, & sans qu’on le puisse prévoir, à des révolutions. Chacun doit connaître qu’il ne faut point que le magistrat entende parler de lui, & qu’il ne tient sa sûreté que de son anéantissement.

Mais, dans les états modérés, où la tête du moindre citoyen est considérable, on ne lui ôte son honneur & ses biens qu’après un long examen : on ne le prive de la vie que lorsque la patrie elle-même l’attaque ; & elle ne l’attaque qu’en lui laissant tous les moyens possibles de la défendre.

Aussi, lorsqu’un homme se rend plus absolu[1], songe-t-il d’abord à simplifier les loix. On commence, dans cet état, à être plus frappé des inconvéniens particuliers que de la liberté des sujets, dont on ne se soucie point du tout.

On voit que, dans les républiques, il faut pour le moins autant de formalités que dans les monarchies. Dans l’un & dans l’autre gouvernement, elles augmentent en raison du cas que l’on y fait de l’honneur, de la fortune, de la vie, de la liberté des citoyens.

Les hommes sont tous égaux dans le gouvernement républicain ; ils sont égaux dans le gouvernement despotique : dans le premier, c’est parce qu’ils sont tout ; dans le second, c’est parce qu’ils ne sont rien.


CHAPITRE III.

Dans quels gouvernemens, & dans quels cas on doit juger selon un texte précis de la loi.


PLUS le gouvernement approche de la république, plus la maniere de juger devient fixe ; & c’étoit un vice de la république de Lacédémone, que les éphores

  1. César, Cromwel, & tant d’autres.