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On est étonné de la punition de cet aréopagite qui avoit tué un moineau qui, poursuivi par un épervier, s’étoit refugié dans son sein. On est surpris que l’aréopage ait fait mourir un enfant qui avoit crevé les yeux à son oiseau. Qu’on fasse attention qu’il ne s’agit point là d’une condamnation pour crime, mais d’un jugement de mœurs dans une république fondée sur les mœurs.

Dans les monarchies, il ne faut point de censeurs : elles sont fondées sur l’honneur ; & la nature de l’honneur est d’avoir pour censeur tout l’univers. Tout homme qui y manque est soumis aux reproches de ceux mêmes qui n’en ont point.

Là, les censeurs seroient gâtés par ceux mêmes qu’ils devroient corriger. Ils ne seroient pas bons contre la corruption d’une monarchie ; mais la corruption d’une monarchie seroit trop forte contre eux.

On sent bien qu’il ne faut point de censeurs dans les gouvernemens despotiques. L’exemple de la Chine semble déroger à cette regle : mais nous verrons, dans la suite de cet ouvrage, les raisons singulieres de cet établissement.