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suivoit quelquefois en effet, celui qui avoit procuré un bonheur momentané.

Ces vues, que M. de Montesquieu a exprimées avec beaucoup de clarté, ont échappé à M. Crévier, qui, tout sçavant qu’il étoit en Grec & en Latin, a cru que le mot tyrannie ne signifie autre chose qu’un gouvernement injuste & cruel.

On vient de voir que le critique de M. de Montesquieu n’est pas fort intelligent ; ou du moins qu’il connoît peu la véritable signification des termes : on va voir qu’il ne donne pas une grande preuve de jugement.

M. de Montesquieu, liv. V, chap. XIX, met en question si l’on doit déposer sur une même tête, les emplois civils & militaires. Il répond qu’il faut les unir dans la république, & les séparer dans la monarchie. Il prouve la premiere partie de cette réponse par l’intérêt de la liberté ; & la seconde, par l’intérêt de la puissance du monarque, qui pourroit lui être ravie, s’il confioit les deux emplois à la même personne. Il établit ses preuves sur les grandes vues qui font la base de son ouvrage ; & ses preuves sont une démonstration : mais ses raisonnemens sont souvent trop élevés, pour que certaines ames y puissent atteindre.

La seconde partie de la décision de M. de Montesquieu n’a pas plu à M. Crévier ; &, sans parler des raisons qui ont déterminé cette décision, voici comment il la combat, dans une