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me, où la loi n’est que la volonté du prince, quand le prince seroit sage, comment un magistrat pourroit-il suivre une volonté qu’il ne connoit pas ? Il faut qu’il suive la sienne.

Il y a plus : c’est que la loi n’étant que ce que le prince veut, & le prince ne pouvant vouloir que ce qu’il connoit, il faut bien qu’il y ait une infinité de gens qui veuillent pour lui & comme lui.

Enfin, la loi étant la volonté momentanée du prince, il est nécessaire que ceux qui veulent pour lui, veuillent subitement comme lui.


CHAPITRE XVII.

Des présens.


C’EST un usage, dans les pays despotiques, que l’on n’aborde qui que ce soit au-dessus de soi, sans lui faire un présent, pas même les rois. L’empereur du Mogol[1] ne reçoit point les requêtes de ses sujets, qu’il n’en ait reçu quelque chose. Ces princes vont jusqu’à corrompre leurs propres graces.

Cela doit être ainsi dans un gouvernement où personne n’est citoyen ; dans un gouvernement où l’on est plein de l’idée que le supérieur ne doit rien à l’inférieur ; dans un gouvernement où les hommes ne se croient liés que par les châtimens que les uns exercent sur les autres ; dans un gouvernement où il y a peu d’affaires, & où il est rare que l’on ait besoin de se présenter devant un grand, de lui faire des demandes, & encore moins des plaintes.

Dans une république, les présens sont une chose odieuse, parce que la vertu n’en a pas besoin. Dans

une
  1. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tome premier, page 80.