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Le vizir est le despote lui-même ; & chaque officier particulier est le vizir. Dans le gouvernement monarchique, le pouvoir s’applique moins immédiatement ; le monarque, en le donnant, le tempere[1]. Il fait une telle distribution de son autorité, qu’il n’en donne jamais une partie, qu’il n’en retienne une plus grande.

Ainsi, dans les états monarchiques, les gouverneurs particuliers des villes ne relevent pas tellement du gouverneur de la province, qu’ils ne relevent du prince encore davantage ; & les officiers particuliers des corps militaires ne dépendent pas tellement du général, qu’ils ne dépendent du prince encore plus.

Dans la plupart des états monarchiques, on a sagement établi que ceux qui ont un commandement un peu étendu ne soient attachés à aucun corps de milice ; de sorte que n’ayant de commandement que par une volonté particuliere du prince, pouvant être employés & ne l’être pas, ils sont, en quelque façon, dans le service ; &, en quelque façon, dehors.

Ceci est incompatible avec le gouvernement despotique. Car, si ceux qui n’ont pas un emploi actuel avoient néanmoins des prérogatives & des titres, il y auroit dans l’état des hommes grands par eux-mêmes ; ce qui choqueroit la nature de ce gouvernement.

Que si le gouverneur d’une ville étoit indépendant du bacha, il faudroit tous les jours des tempéramens pour les accommoder ; chose absurde dans un gouvernement despotique. Et, de plus, le gouverneur particulier pouvant ne pas obéir, comment l’autre pourroit-il répondre de sa province sur sa tête ?

Dans ce gouvernement, l’autorité ne peut être balancée : celle du moindre magistrat ne l’est pas plus que celle de despote. Dans les pays modérés, la loi est par-tout sage, elle est par-tout connue, & les plus petits magistrats peuvent la suivre. Mais dans le despotis-

  1. Ut esse Phœbi dulcius lumen folet
    Jamjam cadentis……..