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M. Crévier vouloit-il rappeller à ses lecteurs qu’il connoissoit l’histoire des empereurs Romains ? Il auroit peut-être agi plus sagement, s’il eût évité de réveiller l’idée de celle qu’il a écrite ; mais il auroit dû au moins choisir une autre occasion d’étaler son sçavoir ; il se seroit épargné la honte d’une critique qui prouve qu’il n’entend pas M. de Montesquieu.

Cet auteur, dans l’endroit d’où M. Crévier a tiré son passage, établit que, quand la vertu, qui est le principe de la démocratie, a fait place à la corruption, l’état est perdu ; il ne peut y avoir de liberté, & jamais elle ne peut se rétablir. Ce grand homme, dont le génie pénetre les causes politiques des événemens occasionnés par la marche ordinaire des circonstances, apporte pour preuve ce qui est arrivé aux Anglois, quand ils voulurent établir parmi eux la démocratie. Tous leurs efforts furent impuissans : ceux qui avoient part aux affaires, n’avoient point de vertu ; leur ambition étoit irritée par le succès de Cromwel qui avoit tout osé : l’esprit d’une faction n’étoit réprimé que par celui d’une autre. Ainsi, on avoit beau chercher la démocratie, on ne la trouvoit nulle part ; &, après bien des mouvemens, des chocs & des secousses, il fallut se reposer dans la monarchie, que l’on avoit proscrite.

Rome fournit encore un exemple plus frappant. Quand la vertu commença à s’y éclip-