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La loi Romaine, qui vouloit que l’accusation de l’adultere fût publique, étoit admirable pour maintenir la pureté des mœurs : elle intimidoit les femmes ; elle intimidoit aussi ceux qui devoient veiller sur elles.

Rien ne maintient plus les mœurs, qu’une extrême subordination des jeunes gens envers les vieillards. Les uns & les autres seront contenus ; ceux-là par le respect qu’ils auront pour les vieillards ; & ceux-ci par le respect qu’ils auront pour eux-mêmes.

Rien ne donne plus de force aux loix, que la subordination extrême des citoyens aux magistrats. "La grande différence que Lycurgue a mise entre Lacédémone & les autres cités, dit Xénophon[1], consiste en ce qu’il a sur-tout fait que les citoyens obéissent aux loix : ils courent, lorsque le magistrat les appelle. Mais, à Athenes, un homme riche seroit au désespoir que l’on crût qu’il dépendît du magistrat."

L’autorité paternelle est encore très-utile pour maintenir les mœurs. Nous avons déja dit que, dans une république, il n’y a pas une force si réprimante, que dans les autres gouvememens. Il faut donc que les loix cherchent à y suppléer : elles le font par l’autorité paternelle.

A Rome, les peres avoient droit de vie & de mort sur leurs enfans[2]. A Lacédémone, chaque pere avoit droit de corriger l’enfant d’un autre.

La puissance paternelle se perdit à Rome avec la république. Dans les monarchies, où l’on n’a que faire de mœurs si pures, on veut que chacun vive sous la puissance des magistrats.

Les loix de Rome, qui avoient accoutumé les jeunes gens à la dépendance, établirent une longue mino-

  1. Republique de Lacédémone.
  2. On peut voir, dans l’histoire Romaine, avec quel avantage pour la république on se servit de cette puissance. Je ne parlerai que du temps de la plus grande corruption. Aulus Fulvius s’étoit mis en chemin pour aller trouver Catilina ; son pere le rappella, & le fit mourir. Salluste, de bello Catil. Plusieurs autres citoyens firent de même, Dion, liv. XXXVII.