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CHAPITRE VII.

Autres moyens de favoriser le principe de la démocratie.


ON ne peut pas établir un partage égal des terres dans toutes les démocraties. Il y a des circonstances où un tel arrangement seroit impraticable, dangereux, & choqueroit même la constitution. On n’est pas toujours obligé de prendre les voies extrêmes. Si l’on voit, dans une démocratie, que ce partage, qui doit maintenir les mœurs, n’y convienne pas, il faut avoir recours à d’autres moyens.

Si l’on établit un corps fixe qui soit par lui-même la regle des mœurs ; un sénat ou l’âge, la vertu, la gravité, les services donnent entrée ; les sénateurs, exposés à la vue du peuple comme les simulacres des dieux, inspireront des sentimens qui seront portés dans le sein de toutes les familles.

Il faut sur-tout que ce sénat s’attache aux institutions anciennes, & fasse en sorte que le peuple & les magistrats ne s’en départent jamais.

Il y a beaucoup à gagner, en fait de mœurs, à garder les coutumes anciennes. Comme les peuples corrompus font rarement de grandes choses ; qu’ils n’ont gueres établi de sociétés, fondé de villes, donné de loix ; & qu’au contraire ceux qui avoient des mœurs simples & austeres ont fait la plupart des établissemens ; rappeller les hommes aux maximes anciennes, c’est ordinairement les ramener à la vertu.

De plus : s’il y a eu quelque révolution, & que l’on ait donné à l’état une forme nouvelle, cela n’a gueres pu se faire qu’avec des peines & des travaux infinis, & rarement avec l’oisiveté & des mœurs corrompues. Ceux mêmes qui ont fait la révolution ont voulu la faire goûter ; & ils n’ont gueres pu y réussir que par