Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tit état[1], où l’on peut donner une éducation générale, & élever tout un peuple comme une famille.

Les loix de Minos, de Lycurgue & de Platon, supposent une attention singuliere de tous les citoyens les uns sur les autres. On ne peut se promettre cela dans la confusion, dans les négligences, dans l’étendue des affaires d’un grand peuple.

Il faut, comme on l’a dit, bannir l’argent dans ces institutions. Mais, dans les grandes sociétés, le nombre, la variété, l’embarras, l’importance des affaires, la facilité des achats, la lenteur des échanges, demandent une mesure commune. Pour porter par-tout sa puissance, ou la défendre par-tout, il faut avoir ce à quoi les hommes ont attaché par-tout la puissance.


CHAPITRE VIII.

Explication d’un paradoxe des anciens, par rapport aux mœurs.

POLYBE, le judicieux Polybe, nous dit que la musique étoit nécessaire pour adoucir les mœurs des Arcades, qui habitoient un pays où l’air est triste & froid ; que ceux de Cynete, qui négligerent la musique, surpasserent en cruauté tous les Grecs, & qu’il n’y a point de ville où l’on ait vu tant de crimes. Platon ne craint point de dire que l’on ne peut faire de changement dans la musique, qui n’en soit un dans la constitution de l’ètat. Aristote, qui semble n’avoir fait sa politique que pour opposer ses sentimens à ceux de Platon, est pourtant d’accord avec lui touchant la puissance de la musique sur les mœurs. Théophraste, Plutarque[2], Strabon[3],


  1. Comme étoient les villes de la Grece.
  2. Vie de Pélopidas.
  3. Liv. I.