Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’augmenter l’industrie parmi les hommes, elle auroit beaucoup fait.

Ceux qui voudront faire des institutions pareilles, établiront la communauté de biens de la république de Platon, ce respect qu’il demandoit pour les dieux, cette séparation d’avec les étrangers pour la conservation des mœurs, & la cité faisant le commerce & non pas les citoyens : ils donneront nos arts sans notre luxe, & nos besoins sans nos desirs.

Ils proscriront l’argent, dont l’effet est de grossir la fortune des hommes au-delà des bornes que la nature y avoit mises, d’apprendre à conserver inutilement ce qu’on avoit amassé de même, de multiplier à l’infini des desirs, & de suppléer à la nature, qui nous avoit donné des moyens très-bornés d’irriter nos passions, de nous corrompre les uns les autres.

"Les Epidamniens[1] sentant leurs mœurs se corrompre par leur communication avec les barbares, élurent un magistrat pour faire tous les marchés au nom de la cité & pour la cité." Pour lors, le commerce ne corrompt pas la constitution, & la constitution ne prive pas la société des avantages du commerce.


CHAPITRE VII.

En quel cas ces institutions singulieres peuvent être bonnes.


CES sortes d’institutions peuvent convenir dans les républiques, parce que la vertu politique en est le principe : mais, pour porter à l’honneur dans les monarchies, ou pour inspirer de la crainte dans les états despotiques, il ne faut pas tant de soins.

Elles ne peuvent d’ailleurs avoir lieu que dans un pe-

  1. Plutarque, Demande des choses Grecques.