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dire trois choses : qu'il faut mettre dans les vertus, une certaine noblesse ; dans les mœurs, une certaine franchise ; dans les manieres, une certaine politesse.

Les vertus qu’on nous y montre, sont toujours moins ce que l’on doit aux autres, que ce que l’on se doit à soi-même : elles ne sont pas tant ce qui nous appelle vers nos concitoyens, que ce qui nous en distingue.

On n’y juge pas les actions des hommes comme bonnes, mais comme belles ; comme justes, mais comme grandes ; comme raisonnables, mais comme extraordinaires.

Dès que l’honneur y peut trouver quelque chose de noble ; il est ou le juge qui les rend légitimes, ou le sophiste qui les justifie.

Il permet la galanterie, lorsqu’elle est unie à l’idée des sentimens du cœur, ou à l’idée de conquête : & c’est la vraie raison pour laquelle les mœurs ne sont jamais si pures dans les monarchies, que dans les gouvernemens républicains.

Il permet la ruse, lorsqu’elle est jointe à l’idée de la grandeur de l’esprit, ou de la grandeur des affaires ; comme dans la politique, dont les finesses ne l’offensent pas.

Il ne défend l’adulation que lorsqu’elle est séparée de l’idée d’une grande fortune, & n’est jointe qu’au sentiment de sa propre bassesse.

A l’égard des mœurs, j’ai dit que l’éducation des monarchies doit y mettre une certaine franchise. On y veut donc de la vérité dans les discours. Mais est-ce par amour pour elle ? point du tout. On la veut, parce qu’un homme qui est accoutumé à la dire, paroît être hardi & libre. En effet, un tel homme semble ne dépendre que des choses, & non pas de la maniere dont un autre les reçoit.

C’est ce qui fait qu’autant qu’on y recommande cette espece de franchise, autant on y méprise celle du peuple, qui n’a que la vérité & la simplicité pour objet.

Enfin, l’éducation dans les monarchies exige, dans les manieres, une certaine politesse. Les hommes, nés