Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on voit encore les abus de la correction même. On laisse le mal, si on craint le pire ; on laisse le bien, si on est en doute du mieux. On ne regarde les parties, que pour juger du tout ensemble : on examine toutes les causes, pour voir tous les résultats.

Si je pouvois faire en sorte que tout le monde eût de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses loix ; qu’on pût mieux sentir son bonheur dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque poste ou l’on se trouve, je me croirois le plus heureux des mortels.

Si je pouvois faire en sorte que ceux qui commandent augmentassent leurs connoissances sur ce qu’ils doivent prescrire, & que ceux qui obéissent trouvassent un nouveau plaisir à obéir, je me croirois le plus heureux des mortels.

Je me croirois le plus heureux des mortels, si je pouvois faire que les hommes pussent se guérir de leurs préjugés. J’appelle ici préjugés,