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Puis Montesquieu nous expose que l’intolérance de Justinien affaiblit l’Empire « du côté par où, quelques règnes après, les Arabes pénétrèrent » pour détruire le Christianisme.

Lorsqu’on cherche dans les Considérations, au lieu d’une Histoire romaine, qu’elles n’ont jamais été, ni dû être, une démonstration, par l’histoire romaine, de la vanité des grandes conquêtes, on saisit aisément l’ordre des chapitres, bien que certains critiques n’aient pas su s’en rendre compte.

Prenons le commencement, qu’on a censuré bien des fois.

Montesquieu, y montre d’abord : que les Romains étaient voués à « une guerre éternelle et toujours violente » pour des raisons politiques et économiques (chapitre Ier) ; qu’ils « mirent tout leur esprit » à perfectionner l’art de la guerre (chapitre ii) ; et que leur état social leur permit longtemps d’entretenir de bonnes et de nombreuses armées (chapitre iii).

Dans ces conditions, ils purent vaincre les Gaulois, Pyrrhus, Carthage, les villes grecques, les rois de Macédoine, de Syrie, etc. (chapitres iv et v).

La prudence du Sénat vint, d’ailleurs, puissamment en aide à la bravoure des légions (chapitre vi).

Un seul prince, Mithridate, « mit. en péril » la fortune de Rome, mais ne put l’empêcher d’unir « au corps de son empire, des pays infinis » (chapitre vii).

Avant la conquête de « l’Univers », les divisions perpétuelles que provoquèrent les rivalités des Plébéiens, d’une part, et des Patriciens ou des Nobles, de l’autre, n’aboutirent, en somme, qu’à la correction des abus, grâce au patriotisme général des citoyens (chapitre viii).

Ce ne furent, pas elles qui perdirent, ensuite la République, mais bien la grandeur de l’État : retenus pendant, des années dans les pays lointains, les soldats finirent par ne reconnaître que l’autorité de leurs capitaines, dont le pouvoir était conféré à des ambitieux sans scrupules par une plèbe qui n’était plus romaine que de nom (chapitre ix).

Ne poursuivons pas davantage cette analyse.

Dans la seconde partie du livre, on voit tomber, une à une, les pierres du « pompeux » édifice que les légions et le Sénat avaient construit au prix de tant d’efforts et de constance.

Si Montesquieu déplorait les conquêtes de Rome au point de vue des vainqueurs, il les condamnait plus sévèrement encore au point de vue des vaincus. Elles furent, à son avis, (nous l’avons rappelé plus haut) « fatales à l’Univers ».