Page:Montesquieu - Considérations, éd. Barckhausen, 1900.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par de nouvelles lois et par ces (sic) violences, il se fit donner la commission de Sylla.

Celui-ci courut, à l’armée ; celui-ci courut à Capoue, où étaient les légions qui lui avaient été destinées, et leur représenta si bien le tort que Marius voulait leur faire, de donner à d’autres soldats les honneurs et les avantages de cette guerre, quelles le suivirent à Rome, d’où, il chassa Marins et ses partisans[1].

Justinien et un autre prince que je ne nomme pas sont deux princes que les historiens peuvent louer et blâmer tant qu’ils voudront.

On souhaiterait peut-être que j’entrasse ici dans le détail du gouvernement politique de la République romaine ; mais je renverrai à Polybe, qui a admirablement bien expliqué quelle part les consuls, le Sénat, le Peuple, prenaient dans ce gouvernement : d’autant mieux qu’il parle d’un temps où la République venait d’échapper à de si grands périls et faisait actuellement de si grandes choses.

Le peuple de Rome, avec une haine toujours active contre les Nobles, changea de moyens, sans changer de fin : d’abord, il songea à les abaisser en diminuant leurs privilèges et, ensuite, en augmentant, l’autorité d’un seul.

Le peuple d’Athènes avait une jalousie naturelle contre tous ceux qui. l’avaient servi avec quelque gloire. Il s’en défaisait une fois, pour ne les pas craindre toujours. À Rome, au contraire, le Peuple adorait ceux qui, par leurs exploits, s’étaient mis au-dessus des autres, et, les comblant toujours de nouveaux honneurs, il semblait vouloir les porter lui-même à la tyrannie. C’est que le peuple d’Athènes, composé de citoyens choisis, se sentait libre, et que cette immense populace de Rome se jugeait esclave. Celui-là ne craignait, rien que de l’ambition de ses principaux citoyens ; celle-ci n’espérait que de la faveur de ceux qui avaient fait de grandes choses, et, toutes les fois qu’elle entendait parler des victoires de quelque général, il (sic) l’appelait dans son cœur contre une orgueilleuse noblesse. Le peuple d’Athènes n’étant pas nombreux, les gens sensés se faisaient entendre et trouvaient le moyen de le rappeler à ses intérêts ; mais cette populace devint si immense qu’elle ne pouvait être instruite, avertie, ni corrigée.

Le Sénat était dans cet état, qu’il n’était pas même défendu par ceux qui le

  1. Appien, De la guerre civile, liv. Ier.