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3. fragments dispersés.

Il était permis[1], à Rome, à tout le monde d’accuser ceux qui étaient soupçonnés de vouloir opprimer la liberté de la République. Mais, comme toutes ces accusations ne produisaient que des débats, elles ne faisaient qu’augmenter la division, armer les principales familles les unes contre les autres, et les remèdes contre les factions naissantes étaient bien longs, puisqu’on n’avait recours qu’aux harangues.

A Venise, au contraire, le Conseil des Dix étouffe, non pas seulement les factions, mais les inquiétudes.

C’est une grande prudence que celle des Vénitiens, de ne réunir jamais dans une même personne les honneurs et la puissance.


Il ne faut point[2] être étonné du changement d’esprit des Romains après César. Ils étaient les mêmes que du temps des Gracches, des Marius et des Catilina ; sans compter que ce changement n’est pas plus grand que celui que nous avons vu dans notre France, de siècle en siècle ; surtout le passage de Charles VII à Louis XI.


Ce qui fait les forces de la France[3], c’est qu’elles se communiquent si bien qu’il semble qu’elles soient rassemblées en un point. L’armée de Flandre est tout près de celle du Rhin ; celle du Rhin, de celle du Dauphiné ; celle du Dauphiné, de celle du Roussillon ; celle du Roussillon, de celle de Guyenne : seuls endroits par lesquels le royaume (d’ailleurs défendu par des montagnes, de grandes rivières ou par la mer) peut être attaqué par terre. Ces armées peuvent se transporter, en tout ou en partie, d’un de ces lieux dans un autre voisin, dans huit jours de temps, et les ordres s’envoient dans un jour ou un jour ou deux. Enfin, si vous en aviez besoin, dans trois semaines de temps, vous pourriez joindre toutes vos armées. Ainsi vous avez, pour ainsi dire, vos forces partout,

  1. [Note biffée :] J’ai mis cela dans ce que j’ai fait sur la République romaine.
  2. [Note biffée :] Mis cela dans la République romaine.
  3. [Note biffée :] Mis cela sur les Romains.