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Les mauvais pays sont ordinairement libres. C’est qu’ils ne fournissent pas assez au Prince pour pouvoir se rendre le maître.

Persée était un homme entre les mains duquel une grande entreprise ne peut jamais réussir. Il avait une avarice stupide, qui lui faisait regarder la conservation de ses trésors comme indépendante de celle de son royaume. Tout ce qui lui pouvait coûter de l’argent n’était point pour lui un moyen de se défendre. Dès qu’il avait le moindre succès, il trompait ses alliés. Au moindre revers, il tombait dans une consternation qui lui ôtait le sens. Il n’avait qu’à tenir les passages de la Macédoine fermés ; il les ouvrit dans sa frayeur. Enfin, ce prince, toujours occupé à discuter de petits intérêts, qui regardait la ruse comme la seule des vertus royales, aimait les affaires, avec une totale incapacité d’y réussir.

S’il avait eu des qualités personnelles, il était dans des circonstances où les peuples de Grèce commençaient à voir que les Romains ne leur parlaient de liberté que pour devenir leurs maîtres. Les Rhodiens ne voulaient plus agir que comme médiateurs.


2. superflu de mon ouvrage sur les romains.

Lorsque l’on voit un prince dont la vie est pleine de belles actions flétri par les historiens, c’est une marque certaine qu’il s’est trouvé dans des circonstances qui ont plus frappé leur manière de penser que toutes ses vertus n’ont pu faire. Et, quand un autre, malgré ses vices est élevé jusqu’aux nues, il est sûr qu’il s’est trouvé dans des circonstances qui ont plus flatté le préjugé de l’historien que ses défauts n’ont choqué sa raison.

Les éléphants employés dans les armées des Orientaux et des Africains n’étaient bons que les premières fois contre une nation : ils inspiraient d’abord de la terreur ; mais on trouvait bientôt le moyen de les rendre furieux contre leur armée même.

Les Romains eurent le bonheur de trouver une machine qui leur donnait une grande facilité pour accrocher les vaisseaux ennemis ; de façon que leurs soldats, meilleurs que ceux des Carthaginois, combattaient d’abord, et il arriva