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moins sérieuses. Les variantes que l’on trouve dans les textes imprimés après son décès semblent être absolument arbitraires et malencontreuses le plus souvent.

Loin d’avoir à proposer ici des leçons inconnues, nous n’aurons qu’à défendre le texte de 1748 contre les corrections inintelligentes dont il a été l’objet.

On n’en trouve pas moins dans les archives de La Brède des indications d’une haute importance pour les éditeurs du livre que Montesquieu appelait familièrement Mes Romains.

Ce sont, tout d’abord, des renseignements de détail sur la genèse d’un grand nombre des idées qu’on y rencontre, et sur les changements que le texte a subis ou faillit subir.

Mais les documents que nous avons en main ont surtout le mérite de nous édifier sur le dessein que se proposait l’auteur en rédigeant son œuvre. L’assertion paraîtra sans doute paradoxale. Nous oserons dire, cependant, que la plupart des nombreux critiques de Montesquieu, en appréciant ses Considérations, ont méconnu l’objet même de ce traité classique.

C’est là un des points, et le plus curieux peut-être, que nous espérons établir au moyen des divers manuscrits dont nous allons maintenant donner une idée sommaire, avant d’en tirer les notions nouvelles qu’on en peut induire.

II

Parmi les manuscrits que l’on conserve à La Brède, il en est un seul qui se rapporte exclusivement aux Considérations sur la Grandeur des Romains.

Montesquieu possédait, une série de registres où il avait l’habitude de consigner la plupart des faits et des idées qu’il pensait utiliser tôt ou tard dans ses écrits. Sur l’un d’eux, qui subsiste encore, sont notés les changements qu’il se proposa de faire subir à son deuxième chef-d’œuvre, aussitôt après la publication du livre. C’est à cette époque, du moins, que remonte, selon nous, le travail de révision dont le texte nous est heureusement parvenu. On y trouve, en effet, le brouillon de l’Errata annexé au troisième état de l’édition princeps[1]. De plus, quelques-unes des additions qui y sont indiquées trahissent, par une vivacité de ton très exceptionnelle, la première surprise d’un auteur qui se voit mal compris et mal apprécié par la critique[2].

  1. Diverses Corrections de mes « Considérations sur les Romains », pages 43 et 44.
  2. Diverses Corrections, pages 3 et 37, où l’on retrouve la même citation d’Horace.