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VOYAGE


sais ; mais je suis trop jeune, pour oser avouer que je l’aime. Inspire-lui donc, Amour, que des feux qui doivent durer toujours, ne sauraient trop tôt paraître.

Fils de Vénus, disait un disciple de Mars [1], j’ai toujours traité les amants d’insensés ; leur soumission, leur contrainte, et leurs plaisirs, tout me paraissait incroyable : mais quand je pense à Phénice, tout me paraît possible.

Amour, disait un autre, j’implore ton secours auprès de Bacchus. J’ai fait serment de passer mes jours dans ses plaisirs, et dans les tiens ; il me reproche aujourd’hui que près de Thémire, je ne pense qu’à toi, et près de lui je ne pense qu’à Thémire [2].

Le Dieu me vit, il savait quel dessein m’amenait à son temple, il prévint ma prière, et me blessa du trait le plus ardent. Viens, m’écriai-je à l’instant, viens, Lycas, me disputer à présent la gloire de mieux aimer.

Lycas, me dit l’Amour, aime autant que Zélide. Zélide fut blessé par les mains de Bacchus, et l’Amour vient encore de l’enflammer. Lycas fut blessé par l’Amour ; mais il sort du temple de Bacchus, et Bacchus a mis dans son cœur des feux qu’il emprunta de moi. Heureux amants, ajouta le Dieu de Cythère, vous aurez l’avantage sur tous les cœurs amoureux ; mais Zélide ne saurait l’avoir sur Lycas, ni Lycas sur Zélide.

Lycas, enfin, sent pour moi tout ce qu’Adonis sent pour Vénus ; mais j’ai pour lui, je crois, des transports que Vénus n’eût jamais pour Adonis.

Oui, Nymphe, j’avouerai que Vénus vous cède en tendresse, si vous convenez que vous devez me céder aussi.

  1. A. Disait un guerrier de la Thrace.
  2. Ce paragraphe n’est pas dans A.