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A PAPHOS.

Ces dieux acceptent les conditions du raccommodement, et dans cette journée Bacchus lança autant de traits que l’Amour soumettait de buveurs.

Lycas depuis longtemps soupirait pour moi, et jusqu’à ce jour je n’avais rien senti pour lui ; mais enfin, Bacchus, maître des feux de l’Amour, m’enflamma, et dès ce moment j’aimai autant que j’étais aimée. Cependant Lycas prétentendait avoir l’avantage, et jurait sans cesse qu’il aimait plus que moi. Je suis blessé des mains de l’Amour, me disait-il, vous ne devez vos feux qu’à Bacchus ; avouez, Zélide, que l’Amour... Non, Lycas, l’Amour même, l’Amour sent moins d’ardeur pour ce qu’il aime, que Zélide en sent pour vous. Quand Bacchus m’a blessée, il avait avec son pouvoir tout le pouvoir de l’Amour ; et le Dieu qui vous blessa n’avait pas le pouvoir de Bacchus.

Ainsi nous disputions toujours l’avantage d’aimer plus tendrement ; quand Lycas demandait la moindre des faveurs qu’Amour ordonne qu’on accorde, j’exigeais avant que de rien permettre, qu’il avouât que j’aimais plus que lui. Il se contraignait quelquefois pour en convenir ; mais souvent j’étais obligée de me contraindre aussi pour refuser ce que j’avais tant d’envie qu’il obtînt.

Enfin, je résolus, pour ne pas lui céder l’avantage, d’implorer le secours de l’Amour.

Je me présentai à son temple ; mais Diphile, bien différemment de vous ; vous allâtes lui demander de vous laisser sortir de son empire, et je demandais d’aimer encore plus que je n’aimais.

Les mortels sont égaux aux Dieux dans le temple de l’Amour, et je n’approchai du sanctuaire qu’après les amants qui s’étaient présentés avant moi.

J’aime Églé, disait un berger ; Dieu des cœurs, tu le