Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/501

Cette page n’a pas encore été corrigée
483
A PAPHOS.


dont tant d’amants se font une habitude. Vénus ne s’offense pas des reproches de Vulcain ; mais ceux de Mars ont décidé pour Adonis.

L’amour-propre fait souvent naître les sentiments de jalousie qu’on attribue à l’Amour.

On ne peut déguiser sa pensée devant les Dieux ; et, j’entendis un jour dans le temple de Cythère une bergère qui s’adressait ainsi à la Déesse : « Je croyois aimer Nicandre, et Elismène qu’il aimait excitait dans mon cœur la plus cruelle jalousie. Grande Déesse, je viens à ces autels te rendre grâces de m’avoir guérie. J’aime Mirtile, et je sens bien aujourd’hui qu’Elismène ne me rendait jalouse que parce qu’elle triomphait avec moins de beauté que moi. » Ainsi l’on croit aimer, et l’on n’est que jaloux.

On aime aussi quelquefois sans croire aimer, reprit Zélide. Une jeune Nymphe destinée aux autels de Vénus, lui disait un jour dans ce même temple : « Je n’aime rien ; mais puisque je ne puis être prêtresse de la mère d’Amour sans sentir ses feux, faites, puissante Déesse, qu’il me brûle pour Palmire [1]. » Palmire aimait la nymphe ; mais il n’en avait pas fait l’aveu. Il était au temple, il entendit sa prière, et sûr de son bonheur, il courut tout transporté déclarer son amour. Je croyais n’aimer rien, lui dit la Nymphe, mais ce que je sens à l’aveu que vous me faites, m’apprend, Palmire, que mon cœur est à vous depuis longtemps.

Nous arrivâmes, en nous entretenant ainsi, dans un bois de lauriers, où Zélide se plaît à venir rêver. Le soleil y donne un jour si tendre, qu’on dirait qu’il reconnait encore Daphné sous l’écorce de cet arbre.

  1. A. Pour Philène. Philène, etc.