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VOYAGE


et soutenant à peine les poids de son tyrse. Les Bacchantes, selon eux, montrent dans leurs transports plus de fureur que de gaieté. Silène, à demi mort, barbouillé de lie, n’inspire-t-il pas plus d’horreur que de vénération pour le Dieu que Silène a formé ?

Non, non, Diphile, ce n’est point là Bacchus, ce n’est point là sa cour. Bacchus conserve toujours les mêmes grâces qui touchèrent Ariane. Aussi tendre que brillant, c’est un Dieu à suivre, et non à craindre ; toujours agréable à Vénus, il ne connaît d’ivresse que l’ivresse de l’Amour.

Les Bacchantes enjouées raniment les Jeux et les Ris ; mais elles ne leur ôtent jamais leurs charmes.

Silène est un vieillard, dont Bacchus reçut des soins ; il éleva son enfance, et ce Dieu reconnaissant accorde à sa vieillesse toute la vivacité qu’il est capable d’inspirer. Et peut-on refuser la plus grande vénération à un Dieu qui met sa gloire à paraître toujours d’intelligence avec l’Amour ?

Un buveur du mont Cythéron, qui ne connaissait de culte que celui qu’on rend au Dieu du vin, parlait un jour des feux de l’Amour, comme les faux amants parlent des plaisirs de Bacchus ; car ils croient honorer le fils de Vénus en méprisant le Dieu du vin. C’est ainsi, disait-il, en tenant sa coupe pleine ; c’est ainsi que je brave les traits de Cythère. Amour voltigeait entre Céphise et son cœur. Tu crois me vaincre, Amour, disait le buveur ; apprends à respecter un Dieu plus fort que toi ; cette coupe avalée va décider de ta honte et de sa gloire : il but, mais un regard de Céphise prouva bientôt au buveur que Bacchus aide souvent au triomphe de l’Amour.

Et qui mieux que moi, ajouta Zélide, qui mieux que moi doit connaître le pouvoir et l’intelligence de ces