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VOYAGE


pour goûter les plaisirs des mortels ; le changement les rend plus vifs que les plaisirs de l’Olympe même [1].

Bacchus abandonne les cieux pour jouir avec Ariane des faveurs de l’Amour, et Vénus quitte le nectar pour célébrer avec Adonis les dons de Bacchus.

Je vis ces mortels heureux assis à la table de la Déesse. Quel repas ! le Dieu du vin, pour faire sa cour à Vénus, ne fut jamais si tendre ; et Vénus, pour honorer le Dieu du vin, ne montra jamais plus d’enjouement.

Les Nymphes formaient avec les Bacchantes un concert qu’Apollon aurait pu désavouer ; mais Bacchus préfère, dans ses chants, un désordre enjoué à la contrainte de l’exacte harmonie.

Un Silvain de l’île de Naxe s’efforçait, par des sons langoureux, de célébrer les charmes de la tendresse. Vénus elle-même le désapprouva ; elle prétend qu’où préside Bac-

  1. A. insère ici la chanson suivante :

    Tous les plaisirs ont des attraits,
    Leur aspect, leur abord enchante !
    Mais ils ne sont pas tous parfaits,
    C’est à savoir qui les enfante.


    Ceux qui naissent d’un fol amour
    Sont pétulants, guindés ou fades ;
    Les a-t-on vus dans leur beau jour.
    Après ils deviennent maussades.


    Ceux que le vin tient à ses lois
    Ont un appât des plus funestes ;
    Les connaît-on bien une fois,
    On s’en dégoûte, on les déteste.


    Si l’Amour s’unit à Bacchus,
    Il en naît des plaisirs aimables :
    Ils sont riants, vifs, assidus,
    Caressants et toujours affables.


    Un cœur facile à s’enflammer
    Est plus heureux qu’on ne peut croire ;
    Le dieu du vin nous fait aimer ;
    Le dieu d’amour excite à boire.