Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/486

Cette page n’a pas encore été corrigée
468
VOYAGE


sont petits ; on en a retranché les histoires magiques et les conversations ennuyeuses.

Je fus étonné d’y rencontrer certains ouvrages qui devraient être inconnus à Paphos. J’appris qu’on s’était contenté de l’intention que leurs auteurs ont eue d’être galants, mais que les Grâces, qui n’y ont rien mis du leur, ne les lisaient pas. Zélide me demanda si je fréquentais les rives du Permesse. Oui, Nymphe, j’y chante quelquefois ma tendresse et mon bonheur ; si l’Amour pouvait inspirer comme Phœbus, j’aurais l’avantage sur Ovide même ; il n’aimait que Corinne, et j’aime Mélile.

Je voulus m’informer quels étaient les livres de différentes langues qui suivaient ; mais Zélide m’avertit qu’il était temps de se rendre auprès de la Déesse.

En traversant un bois qui conduit à son palais, j’entendis une voix entrecoupée par de tendres soupirs, qui sortait de dessous un épais feuillage. « Oui, Doris, je le promets, et tu verras... Mais quel discours ? tu verras ! Ah ! pardonnez, Doris, le respect doit l’interdire. — Non, non, répond Doris, cet égarement plaît à l’Amour ; et je vous dis à mon tour : Hillas, je te le pardonne. » Éloignons-nous : ces amants ne demandent point de témoins, dit Zélide. Vous êtes peut-être étonné de la délicatesse d’Hillas : il craint d’offenser Doris par la plus légère familiarité ; les mortelles s’en offensent difficilement ; mais qu’elles sont condamnables d’en trop permettre [1].

  1. A. ajoute : Il est de certains noms, il est des expressions qu’on ne doit entendre que dans ces moments où la langue égarée articule si difficilement, qu’à peine distingue-t-on ce qu’elle prononce.

    Quand dans les bras de la tendresse
    On satisfait ses désirs,
    Les sens se perdent dans l’ivresse,
    On ne pousse que des soupirs,
    Et c’est ainsi que parlent les plaisirs.