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A PAPHOS.


le fade passionné qui les met sans cesse en usage. C’est elle qui leur dicte une déclaration, dans laquelle on reconnaît plus d’embarras que de raisonnement[1]. C’est elle qui travaille à bannir des sociétés galantes les mauvaises plaisanteries et tout ce qui n’est pas du choix des Grâces.

Sa cadette a l’inspection des parures : elle ne donne point de règle pour les ajustements : elle veut seulement qu’il y règne plus de goût que de magnificence. Elle passe au beau sexe quelque caprice sans affectation, en faveur de la mode, mais elle condamne dans les hommes, tout ce qui peut approcher d’un arrangement étudié.

La troisième Grâce est chargée de maintenir, ou de faire naître ce qu’on appelle belles manières[2] ; et comme chaque nation a ses coutumes en galanterie, Carite donne aux Génies différentes leçons, selon les pays où ils sont destinés. J’entrai avec Zélide, au moment qu’on instruisait les Génies de la galanterie française. Un Génie affectait les mauvais airs de nos petits maîtres, et Carite en faisait remarquer le ridicule aux autres. Il contrefaisait ce jour-là un jeune seigneur qui, d’un air penché, aborde une dame en chantant, pour lui dire tout haut qu’il vient de chez Bélize, profiter de l’absence de son mari, et, un moment après, lui demande[3] quelle heure il est, ou lui apprend que la soirée est belle.

Carite s’étendit beaucoup sur les sentiments dont on se pique aujourd’hui, et finit en exhortant ses Génies à ramener la galanterie de l’ancien temps.

Zélide[4] me présenta à Carite, elle me reçut comme les

  1. A. Plus d’embarras que d’esprit.
  2. A. Ce qu’on appelle des bons airs.
  3. A. Lui demande à l’oreille.
  4. A. La nymphe me présenta à Carite.