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VOYAGE


connait ce qui doit rendre un cœur heureux. Elle établit sa cour dans plusieurs îles, et ce n’est qu’à Paphos qu’elle jouit du plaisir de voir Adonis.

Adonis ! m’écriai-je, eh ! les dieux ne l’ont-ils pas changé en fleur ? Votre étonnement ne me surprend point, dit Zélide, peu de mortels connaissent le bonheur d’Adonis. Son courage l’ayant emporté sur les prières que lui fit Vénus de ne point chasser les bêtes féroces, un sanglier l’immola à la colère de Diane, et Vénus, en versant du nectar sur son sang, obtint des dieux qu’il serait changé en fleur.

Dès que la déesse fut exaucée, elle traversa les airs pour se transporter dans l’empire de Flore. Reine des fleurs, lui dit-elle, dont l’empire est aussi brillant que celui des Amours ; vous vous plaignez tous les jours de la légèreté de Zéphire, vous ne vous en plaindrez plus : je viens vous offrir de le rendre aussi constant que les colombes que vous voyez attelées à mon char.

A des offres si engageantes, Flore connut que la Déesse attendait quelques secours de sa puissance : car les Dieux, ainsi que les mortels, ne flattent que pour obtenir ce qu’ils désirent.

Qu’exigez-vous de moi, pour reconnaître une faveur si sensible, répond Flore à Vénus ? Il est vrai que Zéphire m’inquiète et m’alarme sans cesse, et qu’en m’assurant son cœur, vous assurez ma tranquillité. Votre bonheur dépend de vous, reprit Vénus ; le plus charmant des mortels, Adonis vient de perdre le jour ; mais si Flore me seconde, la Parque n’aura tranché le fil d’une si belle vie que pour rendre son sort plus glorieux. Il est sous votre empire, transportez-le à Paphos, aimable Déesse, faites que cette fleur y conserve toujours sa fraîcheur et sa beauté ; de sa